Recherche - Le code génétique du premier Arachnide décrypté
Le premier génome d’un Arachnide a été séquencé par un consortium international de 33 laboratoires, dont l’Université de Western Ontario (Canada), l’Université de Gand (Belgique) et l'Université d’Utah (Etats-Unis) et l'INRA. C’est dans l’édition du 24 novembre 2011 de la revue Nature qu’a été annoncé le décryptage complet du génome du tétranyque tisserand, Tetranychus urticae, un acarien ravageur des plantes. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour comprendre l’évolution des arthropodes, groupe animal le plus diversifié sur terre, mais aussi de nouvelles possibilités de lutte contre ces animaux. Le tétranyque est en effet connu pour ses importants dégâts en agriculture et sa formidable capacité à développer des résistances aux pesticides.
Les acariens font partie d'un groupe animal d'une grande diversité, les arthropodes Chélicérés, qui comprennent les araignées, les scorpions, les acariens mais aussi des espèces marines comme les Pycnogonides et les limules. Ce groupe est très ancien et ses ancêtres proches des Trilobites remontent au pré-Cambrien, il y a 500 millions d'années. Responsables de maladies graves tant pour les humains que pour les animaux et les plantes, les acariens comprennent les tiques, dont le vecteur de la maladie de Lyme, les minuscules acariens des poussières responsables de nombreuses allergies, ainsi que le Varroa, parasite de l'abeille.
Mieux connaitre un grand ravageur de nos cultures
Tetranychus urticae est extrêmement polyphage et se nourrit de plus de 1100 espèces végétales. C’est un ravageur majeur en zone tempérée, reconnaissable à ses deux taches sombres typiques sur le dos. Il envahit les cultures de tomates, de haricots, de melons et de concombres mais se retrouve aussi sur les betteraves, les œillets, les roses, les agrumes et les Ficus de nos salons. Les tétranyques se nourrissent du contenu des cellules végétales. Les dommages se manifestent sous la forme de petites taches de décoloration sur les feuilles, parfois leur dessèchement et leur chute.
Le tétranyque tisserand doit son nom à sa capacité à produire des fils de soie dont il se sert pour se protéger des prédateurs ou se propager de plante en plante.
Les générations de tétranyques se succèdent à un rythme très rapide (2 générations d’environ 60 femelles par mois en été) qui est accéléré lors de fortes températures. Le coût annuel des pesticides utilisés contre cette espèce atteint actuellement près d'un milliard de dollars au niveau mondial. L'arrivée en Europe d’un nouvel acarien ravageur des plantes, Tetranychus evansi, provenant d'Amérique du Sud et les perspectives du réchauffement climatique favorisant le développement des acariens de la famille des Tetranychidae, rendent cruciale l’élaboration de nouvelles stratégies de lutte, basées sur une parfaite connaissance de son génome.
Le génome dévoile des caractéristiques uniques
L’importance passée et actuelle des traitements acaricides couplée au fort potentiel de multiplication des tétranyques ont abouti à l’émergence de nombreuses résistances contre pratiquement toutes les familles d’acaricides existantes. L’analyse du génome séquencé permettra de dévoiler les mécanismes de résistance mis en œuvre par les acariens, tels que des modifications des cibles et de la détoxication des acaricides. Par ailleurs, le séquençage complet a révélé que ce génome, considéré pourtant comme petit avec ses 90 millions de bases, contient des gènes uniques qui n’ont pas encore été identifiés chez d’autres arthropodes. Certains de ces gènes sont issus d'un transfert horizontal à partir de champignons et de bactéries. Les chercheurs ont aussi identifié de nombreux gènes, intervenant dans la détoxication et la digestion, qui contribuent à expliquer la résistance inégalée de l’acarien aux composés toxiques produits par certaines plantes pour se défendre, ouvrant entre autre des perspectives de développements de plantes naturellement résistantes.
D’autres gènes responsables de la production de la soie ont été aussi identifiés. La soie de cet acarien est en effet plus fine et plus résistante à la tension que la soie d'araignée ou d'insecte. Ces recherches laissent entrevoir de possibles retombées en biotechnologie médicale.
Référence : The genome of Tetranychus urticae reveals herbivorous pest adaptationsNature 479, 487–492 (24 November 2011) ; doi:10.1038/nature10640
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