Traiter des quantités importantes de substrats à matières sèches élevées
La voie sèche continue : une alternative intéressante mise en œuvre à Biogaz Pevele à Wannehain dans le Nord par CH4 Systèmes
A l’initiative de cette société de construction d’unité de méthanisation, Pierre Pollet, ingénieur dans l’industrie avant de devenir agriculteur ne trouvait pas le système de méthanisation adapté à son projet. Cette solution technique permet de valoriser des intrants dont le mélange peut atteindre jusqu’à 30 % de matière sèche en entrée digesteur sans nécessité de dilution à l’incorporation. Une des caractéristiques de cette technique est le digesteur qui se présente sous la forme d’un bâtiment en béton, carré ou rectangulaire selon les quantités, dont les dimensions sont relativement compactes. Par exemple, un digesteur capable de traiter 21 900 tonnes annuelles, soit 60 tonnes journalières, demande une surface au sol de 24 m x 18 m et une hauteur de 6 m hors gazomètre. L’emprise au sol est donc limitée d’autant plus qu’il n’est pas nécessaire d’installer de post digesteur.
Dans cette configuration, le volume du gazomètre se trouve réduit et peut être un facteur limitant pour le stockage du biogaz pendant des indisponibilités du réseau ou des incapacités à injecter. Le digesteur, d’une capacité de 1 800 m3, a la forme d’un U avec des parois de séparation qui délimitent des couloirs de 6 m de largeur qui canalisent la matière. Avant digestion, les substrats sont préparés et passent si besoin dans un broyeur puis dans une trémie d’incorporation avant d’être poussés dans le digesteur par un piston. Le tri des indésirables, cailloux notamment, n’est pas possible, le mélange étant pâteux à l’incorporation d’où une vigilance accrue sur la qualité des intrants. Investissements supérieurs mais volume de digestion nécessaire plus faibleContrairement à la voie sèche discontinue, de type silos ou garages, il n’y a aucune rupture de charge imposée par les opérations de remplissage et de vidange des digesteurs au chargeur, ce qui est un atout pour maintenir la production du biogaz. A l’intérieur, la matière est mélangée et avance grâce à un brasseur monté sur un axe horizontal dans chaque couloir. Les dégradations bactériennes s’opèrent dans un milieu thermophile (55°) qui favorise les réactions, permet de mieux exprimer le potentiel méthanogène des substrats et augmente la capacité de traitement du site grâce à une diminution du temps de séjour. Un réseau de chaleur est posé sur les parois internes des murs et l’isolation des parois externes réduit les besoins énergétiques en chauffage, annoncés à 45 KWh/t dont 75 % couvert par la récupération de calories au niveau de l’épurateur. Il existe un risque de formation de croûte sur le réseau de chauffage, provoquant une baisse de l’efficacité et une augmentation du besoin en calorie pour maintenir les températures de digestion. Comparativement à la voie liquide, en l’absence de pompage, les consommations électriques pour la partie production du biogaz sont estimées inférieures de 70 %. En plus d’une baisse des consommations d’énergie, cette technologie en particulier et la voie sèche en générale permettent de supporter des charges organiques supérieures (10 à 12 kg de matière organique/m3/jour contre 4 en voie liquide) ce qui est préférable pour des approvisionnements variables en quantité et en qualité et des changements de rations plus rapides. A l’issue de la digestion, le digestat peut subir une séparation de phase avant épandage. La méthanisation en voie sèche continue est intéressante pour des volumes importants de matières à traiter et pour des substrats de qualité variable ou hétérogène, comme pourrait l’être la matière organique fermentescible des ordures ménagères. A volume de digesteur équivalent, l’investissement est supérieur par rapport à la voie liquide mais le volume de digestion nécessaire est plus faible.La méthanisation en voie sèche continue s’adresse avant tout aux projets qui veulent traiter des quantités importantes de substrats à matières sèches élevées, typiquement des fumiers. La valorisation du biogaz est possible aussi bien en cogénération (production d’électricité et de chaleur) qu’en injection du biométhane dans les réseaux de gaz naturel où toutes les technologies d’épuration peuvent s’adapter.
Guillaume Rautureau
Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Agriculteur de l'Aisne se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,